La banlieue vue par les jeunes

Tu vas explorer des récits de jeunes qui habitent dans la banlieue [voorstad] d’une grande ville française. Il existe beaucoup de clichés négatifs sur les banlieues : dans les médias, il s’agit souvent de troubles sociaux, de voitures qui brûlent, de pauvreté et de trafic de drogue. Mais comment les habitants vivent-ils réellement ? Tu vas le découvrir travers un texte littéraire et un article journalistique qui essaient de donner une vision nuancée des quartiers « difficiles ».

Le texte 1 est un fragment du roman autobiographique Les conditions idéales de Mokhtar Amoudi. L’histoire se déroule dans les années 2000 et on suit un jeune garçon, Skander, de l’âge de 8 ans à 18 ans. Il est né de parents algériens et il a été placé dans une famille d’accueil par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Il grandit chez différentes familles en banlieue parisienne.

Skander n’est pas comme les autres jeunes de son quartier. Il aime lire, il aime la géographie, et il est très intelligent et curieux. Sa vie n’est pas facile dans cet environnement dominé par la violence. Le fragment montre une confrontation entre des bandes qui viennent de différents quartiers : les Collines noires et Courseine. Skander en discute avec son ami Juvénal.

Le texte 2 vient d’un article paru dans le journal français Libération. Le journaliste a interrogé cinq jeunes sur la réalité de la banlieue, en essayant de dépasser les clichés. Nous avons sélectionné deux interviews qui montrent des perspectives différentes sur la vie « à l’ombre du béton ».

  • Si tu veux voir une vidéo de Mokhtar Amoudi qui présente son roman Les conditions idéales, clique ici.
  • Si tu veux voir une vidéo de l’acteur Matthieu Longatte qui discute les clichés sur les banlieues, clique ici.

Texte 1

Juvénal hurla : « C’est les Collines noires ! Cours ! » Alors j’ai couru comme un fou… […] Apparemment, les Collines noires et les habitants de Courseine se haïssaient tellement que leur objectif mutuel et perpétuel consistait à s’entretuer dès qu’ils se rencontraient. Ça leur prenait comme un réflexe.

– [Juvénal:] « T’as jamais rien vu en sortant du collège ? Ou même la nuit ? T’es pas aveugle pourtant ? Ça date d’y a longtemps. Mon frère par exemple, il se battait déjà avec vingt bagarres. On les déteste ! Le mois dernier on est allés chez eux, dans leur cité, en plein milieu. On a fait un carnage. Trois à l’hôpital !

– Et pourquoi ? Ça sert à quoi de se battre ?

– J’en sais rien mais tu pourras pas y échapper. Ouvre bien tes jeux. Parfois, tu verras, tu marcheras seul et ils t’apercevront. À des distances, mon pote… T’as pas idée ! T’es dedans maintenant.

– Je ne suis pas comme vous, moi, je veux qu’ils m’oublient !

– Jamais ! C’est des animaux, ces bâtards.

– Pourquoi ils ont pas traversé ?

– Ils habitent en face.

Ces récits de haine, si forte qu’elle se transforme en guerre, je les pensais réservés aux Français et aux Allemands. De vrais conflits à chapitres de manuels scolaires qu’on transforme en jours fériés calendaires. Aucune envie de mimer l’Histoire ne m’animait.

Juvénal hurla : « C’est les Collines noires ! Cours ! » Alors j’ai couru comme un fou… […] Apparemment, les Collines noires et les habitants de Courseine se haïssaient tellement que leur objectif mutuel et perpétuel consistait à s’entretuer dès qu’ils se rencontraient. Ça leur prenait comme un réflexe.

– « T’as jamais rien vu en sortant du collège ? Ou même la nuit ? T’es pas aveugle pourtant ? Ça date d’y a longtemps. Mon frère par exemple, il se battait déjà avec vingt bagarres. On les déteste ! Le mois dernier on est allés chez eux, dans leur cité, en plein milieu. On a fait un carnage. Trois à l’hôpital !

– Et pourquoi ? Ça sert à quoi de se battre ?

– J’en sais rien mais tu pourras pas y échapper. Ouvre bien tes jeux. Parfois, tu verras, tu marcheras seul et ils t’apercevront. À des distances, mon pote… T’as pas idée ! T’es dedans maintenant.

– Je ne suis pas comme vous, moi, je veux qu’ils m’oublient !

– Jamais ! C’est des animaux, ces bâtards.

– Pourquoi ils ont pas traversé ?

– Ils habitent en face.

Ces récits de haine, si forte qu’elle se transforme en guerre, je les pensais réservés aux Français et aux Allemands. De vrais conflits à chapitres de manuels scolaires qu’on transforme en jours fériés calendaires. Aucune envie de mimer l’Histoire ne m’animait.

Source: Mokhtar Amoudi, Les conditions idéales. Paris: Gallimard, 2023 (p. 131).

 

Texte 2

 

Moi jeune… Cinq jeunes racontent leur banlieue sans clichés

Comment vit-on à l’ombre du béton  ?  Cinq jeunes, deux filles et trois garçons, racontent leur banlieue, leur quartier, leur cité, loin des clichés

Farah, 22 ans, étudiante : « J’aimerais que le Président me dise ce qu’il pense »

« Quand je me suis posé la question de savoir ce que j’attends d’un président de la République, j’ai pensé à ma banlieue du 93* dans laquelle j’ai grandi et où je croisais tous les jours de jeunes ados en train de s’insulter ou de se battre comme si c’était anodin. J’ai pensé qu’ils ne savaient pas eux-mêmes qu’ils devenaient leur propre cliché et qu’ils allaient rester exactement là où on les attendait : c’est-à-dire pas bien haut dans l’échelle sociale, parce que d’autres n’avaient pas daigné leur donner les moyens de la monter. J’aimerais que le Président me dise ce qu’il pense de ce que c’est que de n’avoir pas de famille qui vous offre le vocabulaire, les livres, la culture, la musique, qui vous fasse parler et penser autrement, aller vers un autre destin que celui qui vous condamne d’avance. Je voudrais qu’il me dise pourquoi les mairies n’ont plus d’argent pour leur budget culture. »

John, 26 ans, salarié en insertion : « Moi j’aime mon quartier »

« J’habite à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, une ville dont les médias ont une fâcheuse tendance à faire une mauvaise pub. Ils la cataloguent et ils oublient que des personnes intègres y vivent. À Aulnay, la vie commence à 5 heures du matin. Les bruits des bus et les klaxons des camions-poubelles donnent le ton de la journée ! En faisant un zoom pour obtenir un plan rapproché de mon bâtiment, nous pouvons voir trois familles différentes, dont la mienne. Mon voisin de palier se nomme Jordan, il est gitan et est marié à une Serbe. Juste en dessous, il y a une famille d’origine maghrébine. J’ai toujours été ému par ce mélange culturel qui enrichit mon quotidien. »

* le chiffre 93 indique le département de Seine-Saint-Denis au nord de Paris. Si tu veux voir où c’est, clique ici.

Source: « Moi jeune… Cinq jeunes racontent leur banlieue sans clichés ». Liberation, 7 octobre 2017. Online.

D’abord, il faut connaître quelques mots pour mieux comprendre les textes. Suis les trois étapes suivantes pour découvrir la signification de quelques mots importants.

  1. Cherche d’abord les mots que tu connais déjà. Traduis-les.
  2. Devine les autres mots. Peut-être que tu peux le faire à l’aide de l’anglais ou d’une autre langue que tu connais.
  3. Utilise deepl.com ou un dictionnaire pour traduire les mots qui restent.

 

Texte 1 Texte 2
1.  se haïssaient (se haïr) 1. anodin
2. objectif 2. en train de
3. perpétuel 3. devenaient (devenir)
4. s’entretuer 4. attendait (attendre)
5. aveugle 5. l’échelle sociale
6. bagarres 6. daigné (daigner)
7. carnage 7. fâcheuse
8. se battre 8. palier
9. échapper 9. gitan
10. bâtards 10. maghrébine

 

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